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111. Outre les nombreuses critiques qui ont été formulées relative à cette nouvelle
disposition législative et, notamment, quant à sa compatibilité avec le droit
international et, en particulier, avec les normes relatives au droit à la liberté de
religion ou de conviction, la Rapporteuse spéciale a reçu de nombreuses plaintes
émanant de différentes sources qui invoquaient, notamment, le caractère
discriminatoire de cette loi vis-à-vis de ceux qui se réclament de la diversité culturelle
et religieuse en général et de ceux qui professent la religion musulmane en particulier,
parmi lesquels nombre d’entre eux estiment que la tenue vestimentaire de la femme
s’inscrit davantage dans le cadre de la croyance que dans celui de la manifestation de
la croyance.
112. Plus généralement, au-delà de la question du voile, ces mêmes sources
estimèrent que cette loi était susceptible de porter atteinte à la communauté des
musulmans. D’autre part, il avait été fait état de plusieurs incidents impliquant des
femmes voilées qui auraient été agressées verbalement ou fait l’objet d’autres actes
d’intolérance religieuse.
113. La Rapporteuse spéciale, sans se prononcer dans l’immédiat sur le fond, et
tout en étant consciente des risques d’instrumentalisation de la liberté religieuse,
souhaiterait attirer l’attention du Gouvernement français sur les risques de
discrimination auxquels la nouvelle disposition pouvait conduire ainsi que sur le
développement des tensions et de l’islamophobie qu’elle pourrait favoriser, autant que
sur les possibilités d’atteinte à la diversité culturelle et religieuse qu’elle pourrait
déclencher, étant par ailleurs entendu que l’espace scolaire ne peut être sérieusement
dissocié de l’espace social.
114. Par une lettre datée du 1 juin 2004, le Gouvernement français a répondu que,
tout d’abord, la liberté de religion est garantie, en France, par le dispositif
constitutionnel, qui intègre la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1789. Celle-ci dispose, dans son article 10, que « nul ne doit être inquiété pour ses
opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre
public ». La Constitution de 1958 énonce solennellement dans son article 1er que « la
France respecte toutes les croyances ». Chacun est ainsi libre de croire et de pratiquer
la religion de son choix, sans autre restriction que le respect dû à chaque citoyen et la
nécessité de ne pas porter atteinte à l'ordre public. De façon concrète, c'est un
ensemble fait de libre expression et de la possibilité pour chacun de recourir, si
nécessaire, à une justice indépendante, dans le cadre d'un Etat de droit.
115. Le gouvernement indique ensuite que la France connaît, depuis la loi du 9
décembre 1905, un régime de séparation entre les Eglises et l’Etat. Ce régime de
séparation ou laïcité n'est en aucun cas à confondre avec une attitude anti-religieuse. II
trace une ligne de partage claire entre, d'une part, ce qui relève de la conscience
individuelle ou des choix personnels et, d'autre part, ce qui relève de l’Etat. Cette
conception de la laïcité a deux implications principales. Premièrement, l'Etat français
ne porte pas d'appréciation sur le contenu religieux de tel ou tel mouvement. II se
refuse même à définir ce qui est ou n'est pas religieux. La liberté de conscience et de
pratique religieuse s'applique donc à tous. Les pouvoirs publics ont cependant le
devoir de sanctionner des agissements frauduleux dénoncés devant la justice, quels
que soient les auteurs de ces agissements. Dans ces conditions, ce ne sont ni la
croyance, ni la foi qui est visées, mais bien le fait répréhensible au titre de la loi.