A/HRC/7/10/Add.1
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Maroc
Lettre d’allégation envoyée le 18 janvier 2007 avec le Rapporteur spécial sur la promotion
et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression
174. Les Rapporteurs spéciaux ont attiré l’attention du Gouvernement Maroc sur la situation
concernant l'hebdomadaire « Nichane », son directeur M. Driss Ksikes et la journaliste Mme
Sanaa Elaji. Le 15 janvier 2007, le Tribunal de première instance de Casablanca aurait
condamné le directeur de publication de l’hebdomadaire Nichane, Driss Ksikes, et la journaliste
Sanaa Elaji à trois ans de prison avec sursis et à une amende de 80 000 dirhams. Le Tribunal
aurait aussi suspendu la parution de l’hebdomadaire pour deux mois à partir du 15 janvier 2007.
175. Dans son numéro 91 paru en décembre 2006, l'hebdomadaire aurait publié un dossier
intitulé « Blagues: comment les Marocains rient de la religion, du sexe et de la politique ». Le 20
décembre 2006, le Premier ministre marocain aurait notifié à M. Driss Ksikes, l'interdiction de sa
diffusion. Parallèlement à cette décision, le parquet du roi près le tribunal de première instance de
Casablanca aurait lancé des poursuites à l'encontre de M. Driss Ksikes et de la journaliste
responsable du dossier Mme Sanaa Elaji, pour « atteinte à la religion islamique » et « publication
et distribution d'écrits contraires à la morale et aux mœurs ».
176. Le 8 janvier 2007, à l’issue de la première audience, le procureur du roi aurait requis une
peine de trois à cinq ans de prison ferme ainsi que l’interdiction d’exercer et une amende allant de
10 000 à 100 000 dirhams à l’encontre de M. Driss Ksikes et de Mme Sanaa Elaji. Il aurait
également réclamé la fermeture définitive du journal.
Observations
177. La Rapporteuse spéciale regrette qu’elle n’a pas reçu de réponse du Gouvernement. Elle
voudrait souligner que tous les droits de l’homme sont universels, indissociables, interdépendants
et intimement lies. La Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, le
Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression
et le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de
xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ont publié un communiqué de presse commun le
8 février 2006. Les trois titulaires de mandat ont rappelé que la religion ou la conviction
constituait, pour celui qui la professait, un des éléments fondamentaux de sa conception de la vie
et que la liberté de religion ou de conviction devait être intégralement respectée et garantie en
tant que l’un des droits fondamentaux consacrés par l’article 18 du Pacte international relatif aux
droits de l’homme. Ils ont également rappelé que le respect du droit à la liberté d’expression, tel
qu’il est énoncé à l’article 19 de cet instrument, constituait un fondement de la démocratie et
donnait la mesure du respect de la justice et de l’impartialité dans un pays. L’expression pacifique
des opinions et des idées, que ce soit oralement, par le biais de la presse ou d’autres médias
devrait être toujours tolérée. La presse doit jouir d’une vaste liberté éditoriale pour pouvoir
promouvoir une libre circulation des informations à l’intérieur des frontières et par-delà les
frontières, de façon à créer un cadre propice au débat et au dialogue. Toutefois le recours à des
stéréotypes et des clichés qui heurtent des sentiments religieux profondément ancrés ne contribue
pas à l’instauration d’un climat propice à un dialogue constructif et pacifique entre différentes
communautés.